65

 

La connaissance seule est insuffisante pour se diriger

         Se diriger nécessite toute sa personne

 

Pour ceux qui ont accumulé beaucoup de savoir

         Il est souvent difficile d’utiliser le senti

 

Pour ceux qui ont accumulé beaucoup de savoir

         Il leur paraît naturel de s’imposer des règles

 

         Mais ils ne sont qu'aveugles à eux-mêmes en tentant d’imposer un ordre

         sur l’exubérance

 

Celui qui sait être

         Voit pourtant l’harmonie s’installer

         Voit les opposés se réunir

 

 


 

Commentaire 65

 

A) On a tendance à exclure les émotions des raisonnements sous prétexte qu’ils sont irrationnels.

 

B) Cependant nos émotions font partie intégrante de nous-même, prétendre les séparer de nos idées est un artifice pour rendre ces idées acceptables.

 

C) Les raisonnements, apparemment, ne parlent pas des émotions, mais l'émotion en est le moteur.

 

E) Certains sont prêts à souffrir et même à mourir pour des idées. Nous croyons que l'apparente froideur des idées n’est que maquillage. La froideur ne sert qu’à présenter sous un jour moins violent un “grouillement” d’émotions.


66

 

Ce qui me commande

         N’est pas la gloire

 

Ce qui me commande

         N’est pas la reconnaissance

 

Ce qui me commande

         N’est pas le pouvoir

 

 

Ce qui me commande

         C'est le geste à poser

 

Ce qui me commande

         C'est la nécessité du geste

 

Parfois je m’efface

Parfois je m’impose

 

Mais toujours

         je suis ce qui me commande

 

 

 


 

Commentaire 66

 

La poursuite de la gloire et de la renommée pour elles-mêmes nous placent en opposition avec les autres. On cesse d’être avec sa communauté pour s’en servir à nos fins. Si gloire et renommée arrivent elles arrivent par les autres sans être poursuivies. Les autres auront reconnu en vous une valeur qui mérite d’être reconnue.


67

 

Je

         Comme si le "Je" avait une existence

 

Je

         Comme si le "Je" rendait important

 

Je

         Comme si le "Je" suffisait à expliquer

 

Je

         Comme si le "Je" se suffisait à lui-même

 

Je

         Comme si le "Je" était le début du monde

 

Je

         Comme si le "Je" était le centre de la pensée

 

Qui m’a mis au monde?

Qui m’a donné les mots?

Qui me nourrit?

 

L’autre

 

Sans lui le "Je" n’est rien

 

 


 

Commentaire 67

 

A) On se perçoit souvent comme le centre de l’univers, comme une créature unique: Soi!! Pourtant, nous sommes issus des autres et notre existence en dépend entièrement. Même l’idée de "Soi" nous est fournie par notre société. Cette dernière existait avant nous et c'est elle qui nous fournit l’ensemble du matériel intellectuel que nous utilisons.

 

B) L’idée de "Soi" est une production sociale et est indissociable des traditions intellectuelles d’un moment historique. Les matériaux de nos pensées les plus intimes nous sont fournis par notre environnement social et notre histoire personnelle. Le "Moi" est une fiction, ce qui n’est pas une fiction c’est la nécessité de la relation avec l'autre, le lien qui nous unit aux gens, à notre société et à notre environnement.


68

 

Celui en harmonie avec la vie

 

N’inspire pas la peur mais sait se défendre

N’inspire pas l’hostilité mais sait s’affirmer

 

Il sait s’engager dans l’action sans écraser l’autre

Il sait faire agir l’autre sans l’abaisser

 

Il sait tenir sa place dans le mouvement

 

Ni supérieur

Ni inférieur

 

 


 

Commentaire 68

 

A) La vie et la société sont très dures. On agit plus ou moins violemment pour se faire une place dans une organisation où tout est inégal.

 

B) La nature ou la société ne sont pas douces, le loup mange le rongeur qui à son tour mange des plantes, etc. Chaque niveau d’organisation dépend d’autres pour sa survie. Si l’ensemble nous paraît harmonieux, il n’est cependant pas doux et n’a pas de compassion.

 

C) La société, à la différence de la nature, atténue ses aspects les plus brutaux. On y utilise pour atténuer les différences et les vulnérabilités: la loi, l’éducation et… la force. Il faut toujours continuer de faire un effort pour tendre vers une certaine égalité. Sans effort la règle du plus puissant s’impose rapidement.

 

D) Si l’objectif louable d’une société est de réduire les différences, les éliminer n’est pas souhaitable, car pour une société il est nécessaire d’avoir des différentes compétences qui dépassent les besoins personnels. Cette “différence” peut alors être mise au service de la collectivité. Mais idéalement ce serait des différences sans supériorité ni infériorité. Comme l'animal ne méprise pas le brin d’herbe lui permettant de se nourrir.

 


69

 

Temps d’opposition

         Recherche d’alternatives

 

S'il résiste

         Reculez d'un pas

 

S'il avance

         Faite un pas de côté

 

De la création d’une différence

         Naîtra une multitude de possible

 

Il ne faut jamais prêter moins qu’à soi-même

 

Prêtez-lui votre intelligence

         Il reconnaîtra la vôtre

 

 


 

Commentaire 69

 

Lorsque nous sommes en opposition le cheminement habituel est de tenter d’imposer notre volonté, d'être celui qui imposera à l'autre. Pourtant on peut rechercher des manières alternatives pour résoudre l’opposition en posant le problème différemment. Créer un nouveau contexte où l’opposition disparaît.


70

 

Je n’ai que moi pour te comprendre

 

Te regarder

Te voir me regarder

 

T’entendre

Te voir m’entendre

 

Te toucher

Te voir me toucher

 

Voilà que je t’imagine

Voilà que je m’imagine te comprendre

 

Rappelle-moi:

         De te voir

         De t’entendre

         De te toucher

 

C'est là le principal

 

 


 

Commentaire 70

 

Il est impossible de communiquer avec l’autre. On ne peut que faire des sons, des gestes, s'agiter, mais on ne communique pas. Rien de nous ne passe à l'autre. Par chance l’autre partage une histoire, un environnement, une langue et une culture proche de la mienne. Alors quand il entend mes sons et voit mes gestes il est probable qu'il imaginera quelque chose de proche de ce que je veux dire. Il est impossible de ne pas communiquer...

 


71

 

Je ne suis qu'une toute petite partie de l'univers

Je ne suis qu'une toute petite partie

Je ne suis ...

 

Qu'une partie

Sans laquelle il ne peut y avoir de tout

 

Le trait que je trace

         Permet à la multitude d'exister

Le trait que l’on trace

         Me permet d’exister

 

 


 

Commentaire 71

 

Il est parfois difficile de tracer la frontière entre soi et l'autre, entre ce qui vient de nous et ce qui vient d'autrui. S'approprier la paternité de toute chose et votre ego englobe l'univers. Ce qui est une forme de folie. Ne s'approprier aucune paternité et votre ego est réduit à rien. Ce qui est aussi une forme de folie. Pour l'esprit les frontières sont tracées sur du sable. De ces frontières nous développons nos relations.

 


72

 

Celui qui n’a rien à perdre

         Est prêt à tout changer

 

Celui qui n’a rien à perdre

         Ne tient à aucun principe

 

Celui qui n’a rien à perdre

         Se raccroche au moindre espoir

 

Les grandes idées n’ont pas de sens

Les principes n’ont pas de sens

Les abstractions n’ont pas de sens

 

Seul compte l’action qui mènera à demain

 

 


 

Commentaire 72

 

A) Les idées n’ont pas de réalité en elles-mêmes. Elles ne sont que des abstractions. Parfois elles sont justes parfois elles sont erronées mais le plus souvent elles ne sont justes ou erronées qu’en termes de degré. Les abstractions ne sont que des outils imparfaits qu’il faut continuellement adapter. Mais la réalité toujours nous échappera. Il vaut mieux avoir des résultats sans comprendre que de ne pas avoir de résultats et prétendre comprendre.

 

B) Les abstractions peuvent se multiplier à l’infini. Dans le monde des idées il n’y a pas de limite à ce qui peut être imaginé. Le monde des idées en lui-même ne peut trancher entre le vrai et le faux. Il ne peut que construire de nouveaux raisonnements à propos des raisonnements. Ainsi on peut construire des édifices intellectuels complexes, cohérents et respectant leur propre logique mais farfelus.

 

C) Comment trancher? D’abord avec un principe d’économie: si nous avons deux explications d'un phénomène, l’une complexe et l’autre simple, choisir d’abord la simple jusqu’à preuve du contraire (Rasoir d'Ockham). Puis, ne conserver que les construits qui peuvent se prêter à des vérifications. S’il n’y a pas moyens de montrer des conditions où une idée peut être fausse alors elle est probablement fausse (Falsification, K Popper). Enfin se rappeler que les concepts ne sont qu’une carte, pas le territoire (Korsybski).

 


73

 

La voie s'offre toujours à nous

 

Elle est au-delà de toute compétition

Elle est au-delà de toute réponse

 

Elle est de tout

         Et elle s'accomplit sans décider

 

Elle est de tout

         Et elle est source de toute transformation

 

 


 

Commentaire 73

 

Nous sommes situés dans l’espace et dans le temps. Rien n’est immuable. Si on prend l’échelle temporelle appropriée, nous verrons se transformer toutes choses. Le mouvement associé aux transformations est toujours présent et il peut s’observer. Ce processus n’est pas en compétition avec quoique ce soit, il est le moteur qui génère toutes choses.

 


74

 

Je suis en transformation

         Mais toujours je suis

 

Ma dernière transformation

         Me dispersera dans la nature

         Dernière incarnation du “Je”

 

Plutôt que de tenter d’arrêter le changement

         L’utiliser pour agir

         L’utiliser pour rester en harmonie

 

Il ne s’agit pas de contrôler l'avenir

         Mais de contribuer à sa création.

 

 


 

Commentaire 74

 

A) On se perçoit comme stable mais en fait c’est seulement un manque de perspective. Nous sommes en perpétuel changement tant du point de vue physiologique que psychologique. Souvent nos efforts sont dirigés pour stopper ce mouvement continu. En fait, on devrait plutôt tirer parti de ce processus de changement pour rester en harmonie, car ce qui est extérieur à nous change aussi.

 

B) Pour maintenir une apparente stabilité il faut intervenir constamment.

 


75

 

Si vous demandez trop

         On s'éloignera de vous

 

Si vous voulez trop savoir

         On se taira

 

Comment pouvez-vous servir?

         Faites confiance

         Ils vous le diront

 

 


 

Commentaire 75

 

A trop vouloir en faire on provoque de l'hostilité et du retrait. Si on veut servir il faut apprendre à se taire.

 

Lorsque l’on veut se servir soi-même, prétendre qu’on propose ce qui est bon pour l’autre.


76

 

Etre dur et rigide

         Je suis un homme de principe

 

La vie m’accable

         Je mène un combat

 

 

Etre souple et changeant

         Je suis un homme de présence

 

La vie me comble

         Je vis une aventure

 

 

Une idée imposée pour elle-même

         Engendre de la résistance

 

Une idée émergente de la pratique

         Engendre de l’enthousiasme

 

 


 

Commentaire 76

 

A) Le difficile équilibre entre le changement et la stabilité! Qu’il n’y ait que changement ou qu’il n’y ait que stabilité est impossible. L’un et l’autre sont dans une relation dynamique et interdépendante.

 

B) Aucune règle précise ne peut nous guider pour choisir la bonne dose de changement ou de stabilité. Mentionnons comme guide possible: la joie que l’on peut observer autour de soi et notre propre joie. Ce sont des indices d'un bon choix.

 


77

 

L’un se nourrit de l’autre et on dira: la nature

L’un se bat contre l’autre et on dira: la nature

L’un tire parti des faiblesses de l’autre et on dira: la nature

 

La plante montre son interdépendance

L’insecte montre son interdépendance

L’animal montre son interdépendance

L’homme cache son interdépendance

 

 

L’homme ne voit plus sa place dans la nature

         Il est au-delà

         Il est sa propre nature

 

Mais l’homme sans la nature?

         On dit alors: un individu

 

C’est la fin de l’homme

 

 


 

Commentaire 77

 

A) La vie partout nous montre que ses composantes n’existent qu’en complémentarité et interdépendance les unes par rapport aux autres. L’unité de survie n’est pas l’individu mais l’espèce, le groupe.

 

B) Notre succès matériel est tel que l’on peut maintenant mettre en valeur l’individu et assurer sa survie sans se préoccuper du groupe : il y aura de tout, pour tout le monde. Dans ce processus nous perdons de vue les liens qui nous unissent aux autres et on inverse la relation: ce n’est pas nous qui nous insérons dans une société préexistente mais c'est cette société qui existe par et pour nous. Nos liens d’interdépendance sont masqués. Peut-on trouver un ou retrouver la qualité des liens qui nous unissent?

 


78

 

A la fermeté s’oppose la douceur

 

La fermeté s’impose

La douceur invite

 

La fermeté impressionne

La douceur séduit

 

La fermeté demande

La douceur offre

 

C’est pourquoi à la fermeté il faut proposer la douceur

 

C’est pourquoi à la douceur il faut proposer la fermeté

 

 


 

Commentaire 78

 

Nous vivons dans un monde dynamique où parfois une action ferme est adéquate et où parfois c’est une action douce et discrète qui l’est. Si nous opposons la fermeté à la fermeté nous assisterons à des confrontations où c’est celui qui "perdra" le moins vite qui gagnera. Tous deux perdent à des degrés divers. Si nous opposons la douceur à la douceur rien de décisif ne se produit et chacun perd aussi car plus rien ne bouge. Aussi, si on oppose la douceur à la fermeté et la fermeté à la douceur nous créons les conditions propices pour une évolution des situations.

 


79

 

Un conflit qui dure est un échec

 

Si vous accusez l’autre

         Vous n’apprendrez rien

         Il n’y a plus de place pour l’autre

 

Ne pas blâmer

         Rechercher des alternatives

 

L’harmonie recherche l’accord

La justice recherche paiement

 

Lorsque le souci de l’autre n’est plus

         On appelle la justice

 

 


 

Commentaire 79

 

A) Il n’y a pas de limite à ce que l’esprit peut inventer comme raison lorsqu’on désire vaincre. Avant la justification il y a le désir de vaincre.

 

B) Si notre désir est de rétablir l’harmonie alors l’esprit fournira également une infinité de raisons pour rétablir l’harmonie.

 

C) La raison n’est qu’un outil au service de nos motivations et de nos relations.

 

D) De vouloir trouver dans la raison les sources des conflits est une entreprise puérile.

 


80

 

Nos amis sont peu nombreux

         Mais nos relations multiples

         Ne dépendez d'aucunes

 

Appréciez vos proches

         Ne les abandonnez pas

         Pour d’autres qui promettent prestige

 

Développez vos habilités sociales

         Mais ne les utilisez pas

         Laissez-vous plutôt connaître

 

Offrez la paix

Offrez une présence

Soyez celui qui est

Celui qui offre par sa présence

 

 


 

Commentaire 80

 

Nous sommes issus d’un tissu de relations. Nous n'avons conscience que de certaines seulement.

 

Parmi l’ensemble de nos relations, certaines sont plus précieuses que d’autres et méritent d’être entretenues. Elles ont des qualités d’authenticité particulières. Si vous les négligez pour des relations qui vous promettent du prestige, vous poursuivez l’illusion.

 

Avec certains l'harmonie résulte de leur rencontre, elle n'est pas réfléchie, calculée, planifiée. Avec ceux-là, laissez la durée s'installer.

 


81

 

 

Celui qui suit la voie n'est pas éloquent

Celui qui ne suit pas la voie est éloquent

 

Celui qui suit la voie n'a rien à prouver

Celui qui ne suit pas la voie a tout à prouver

 

Sans posséder

         On peut offrir

 

Sans posséder

         On peut être riche

 

Sans posséder

         On peut être heureux

 

Sans posséder

         On peut user de tout

 

Si vous offrez de vous-même vous serez convaincant

Si vous offrez de vous-même vous serez intéressant

Si vous offrez de vous-même vous serez comblé

 

Ne pas dominer et pourtant influencer

 

 


 

Commentaire 81

 

A) Dans nos relations avec des proches, on a tout intérêt à être authentique. On se méfie des gens calculateurs. On se méfie également de ceux qui se cachent derrière des propos creux.

 

B) Ce n’est pas la rhétorique en elle-même qui pose une difficulté. Elle est inévitable. C’est lorsqu’on ne sent plus l’authenticité de la personne que la rhétorique devient un objet inerte, un fossile verbal. C’est alors qu’elle sert à tromper et à manipuler, l'abondance verbale supplée alors au manque d’authenticité.