Le Tao
Lao Tzu
Interpolation
Poésies et pensées
Claude Richard
Le présent essai est une version personnelle des textes du Tao Te Ching de Lao Tzu. J’ai consulté pour ces réécritures une dizaine de traductions différentes du Tao. Ces traductions comprennent des versions anglaises et françaises. Cette version vient de leur comparaison et de ma propre inspiration. Elle exprime mon point de vue et est un prétexte pour parler d’une certaine manière de voir la vie qui peut s’éloigner du Tao traditionnel. Les commentaires ajoutent des contenus provenant de la psychologie, de la communication et de la réflexion post-moderne. J'ai également transposé sur un plan personnel les thèmes portant sur la gestion des peuples, des guerres et les relations entre supérieurs et inférieurs. De plus j’ai mis l’accent sur les aspects actifs et dynamiques plutôt que sur les aspects plus passifs associés au Tao. Ces transformations en font une version psychosociale.
Il n’y a ici aucune prétention historique ni une quelconque prétention de fidélité à la pensée de ou des auteurs d’origine. J’ai simplement tenté de de formaliser ce que m’inspirait la lecture de ces textes. Les commentaires après chacun des poèmes ne sont pas des approfondissements philosophiques du poème mais seraient plutôt de l’ordre du: au fait, cela me fait penser à …. .
Ce fut pour moi une aventure extraordinaire que cette entreprise et j'espère que, dans l'ensemble, ces poèmes vous plairont. Pour ce qui est des commentaires, je les aurais espérés moins affirmatifs. Mais, après plusieurs essais pour les écrire comme des opinions et d'y mettre toutes sortes de nuances, je suis retourné à un style plus affirmatif car le résultat de ce relativisme était encore moins satisfaisant. J'ai également hésité longuement à inclure les références qui inspiraient ces commentaires. Je me suis finalement abstenu. Mais ces commentaires ont tous été inspirés de lectures diverses. Je n'ai que le mérite de l'avoir dit un peu différemment.
Claude Richard
1
Les chemins tracés ne sont pas les vrais chemins
Les noms donnés ne sont pas les vrais noms
Sans nom est éternel
Avec nom est éphémère
Dans la simple présence
le nommé et l'innommé se confondent.
Dans l’agir, la forme s’affirme.
Présence et agir sont un
mais leurs noms diffèrent.
Agir par la simple présence, voilà le mystère.
Commentaire 1
A) La réalité physique existe hors de la présence de l’homme. Elle était là avant nous et sera là après nous. Ce que la présence de l’homme lui ajoute c’est un point de vue à son égard. Notre forme de vie se différencie peu des autres et surtout pas par le fait de croire que le reste de l’univers est à son service.
B) Nous différencions les objets, nous leur donnons un sens et un nom. Cette création constitue une grille abstraite que nous superposons à la réalité. Le résultat n’est jamais la réalité elle-même.
C) Dans le fait de nommer et de donner du sens, il y a oeuvre d’imagination et de création. Mais cette oeuvre de création repose sur le sens déjà constitué. Nous assistons donc constamment à un jeu entre liberté et contrainte, entre la création de sens nouveau et la disparition de sens ancien.
D) Il faut s’abandonner de manière vigilante et ainsi jaillira la compréhension. Celui qui utilise une carte ne verra que ce que la carte lui permet de voir. Celui qui n'en utilise pas découvrira un paysage inattendu. L'un a une destination l'autre n'en a pas.
2
La beauté jaillit
Lorsque la beauté est, alors apparaît la laideur.
Le bien jaillit
Lorsque le bien est, alors apparaît le mal.
Naissance et existence s'opposent l'un à l'autre.
Facile et difficile nous proposent une manière
Grand et petit nous proposent une mesure.
Le haut et le bas nous proposent un regard.
Voix et sons nous proposent une musique.
Un après, suit un avant et nous propose la durée
Agir par le non-agir et dire avec le non-dire.
Apparaît la vie, la laisser vivre.
Apparaître et être.
Pouvoir créer pour offrir.
S'attacher à libérer de soi.
Libres elles vont et ainsi nous nourrissent
Commentaire 2
A) La beauté est un jugement sur le monde. C'est de notre rencontre avec le monde que jaillit ce sentiment de beauté. Si on attribue au monde, ou à une partie de ce monde la qualité sentie, nous créons la laideur. C’est en prêtant la qualité de cette rencontre à une qualité d’un objet du monde que se crée une fracture entre une qualité sentie et le monde. La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde, dit-on...
B) De se placer en harmonie avec les autres fera jaillir le bien, le beau et la joie, mais de vouloir forcer l'autre produira le mal, le laid et la souffrance. L'application de dogmes nous place dans une situation qui ne coïncide plus avec l'autre et son bonheur. Ainsi, nous produirons le malheur en appliquant les "règles" du bonheur.
C) Lorsque l'on trace une frontière, on crée une division à partir de laquelle on peut situer toute chose; d'un côté, de l'autre, proche, loin, etc. C'est comme lorsque, sur une feuille blanche, on trace une première ligne. Cette ligne organise l'espace de la feuille et détermine tout un ensemble d'organisations visuelles possibles sur cette feuille, mais aussi tout un ensemble d'organisation visuelle devient impossible. Ainsi lorsqu’on définit ce qui est, on définit aussi ce qui n'est pas. En organisant ces premières différences sur l'indifférencié nous créons des différences de différences: c'est le monde des idées, des concepts, des abstractions. Ce processus de différenciation est individuel et collectif et remonte probablement aussi loin que la naissance de la pensée elle-même. Se libérer totalement de ces construits veut donc probablement dire de se libérer de la pensée elle-même. Ce qui est impossible. On peut peut-être cependant se libérer un peu du poids de ces construits en en percevant leur nature partiellement relative.
D) On ne peut qu'être au monde et, par cette simple présence, on agit. Mais être seulement n’est pas suffisant, il s'agit aussi de participer activement au flot des événements. C'est d'avoir un oeil tourné vers l'intérieur et l'autre tourné vers l'extérieur.
3
Si on dit qu’il n’y en aura “qu’un”
Alors nous essaierons d’être celui-là.
Si on dit qu’il n’y en aura que pour un seul
Alors nous voudrons que cela soit pour nous.
Sans le désir, la sérénité s’installe
Abandonner le désir
Être présent
Échapper à la croyance que notre vérité se trouve quelque part
Par notre simple présence
Nous réunissons l’intérieur et l’extérieur
Ainsi s’harmonisent l’intérieur et l’extérieur.
Commentaire 3
A) Nous créons le sens et il y a toujours des alternatives à nos créations.
B) Si vous laissez l’extérieur seul fixer pour vous vos objectifs, vous serez dans une course dont l’arrivée est toujours plus éloignée. Si vous laissez l'intérieur seul fixer vos objectifs, vous serez alors dans une course dont l'arrivée sera insaisissable, évanescente.
C) Il est préférable de laisser émerger nos objectifs de la rencontre de l'intérieur et de l'extérieur. Les gestes qui nous permettront de les atteindre seront évidents et ils ne seront pas vécus comme une violence, mais comme allant de soi.
D) Trop de réflexion obscurcit la vie et trop peu de réflexion la limite. Aussi faut-il passer du monde des idées au monde de la vie et du monde de la vie au monde des idées. De cette oscillation jaillit l’harmonie de l’esprit et du corps.
E) Parfois il faut s’exprimer spontanément, mais parfois il faut rester silencieux, de la spontanéité et de la volonté émerge une direction.
4
La voie est insaisissable
Elle préside pourtant à toute action.
La voie est vide
Elle est pourtant l’origine de toute chose.
Arrondir les angles
Dénouer les situations
Unifier ce qui paraît dispersé.
La voie est simplicité
Pourtant elle est mère de toutes les complexités
Apparue avec la vie elle-même.
Commentaire 4
A) Le sens n'est pas, il se compose et se recompose constamment. Toujours nous avons l'impression de "quelque chose" et toujours ce "quelque chose" se modifie sous l'action du temps et de la vie. S'arrêter pour saisir ce "quelque chose" et le garder, c'est comme vouloir se saisir d’un morceau de temps et vouloir le garder.
B) L'illusion d'un "état" est nécessaire à l'action volontaire.
C) La différence entre état et mouvement en est une de perspective. Si on considère une vie entière par exemple, nous pouvons voir cette vie comme un mouvement. Si on considère par contre une journée de cette vie, on peut envisager cette vie comme étant un état. La vie de notre soleil peut être considérée comme éphémère si on la compare à l'évolution de l'univers, mais dans le cadre de ma vie je peux la considérer comme "éternelle".
D) Nous choisissons notre unité d'observation en fonction de l'objectif poursuivi. Dans nos amours, nous avons intérêt à choisir une échelle qui nous permette de considérer l'autre comme présent.
E) On ne peut pas ne pas changer, comme on ne peut pas ne pas être dans un certain état à un moment donné.
F) Chaque action posée influencera l'évolution d’une situation, d'où l'importance d'être attentif à nos gestes. Mais chaque action n'est qu'une influence parmi d'autres sur l'évolution des situations, d’où l’importance d’être spontané. Toute action est à la fois importante et sans importance dans le contexte de l'ensemble des chaînes causales à l'oeuvre.
G) La différence entre action et non-action en est une de perspective. D'un point de vue on peut penser que l’action est associée au contrôle volontaire et à l’intention. Par contre, d’un autre point de vue, on peut agir tout en n’ayant pas le désir de contrôler ou en n’ayant pas d’intention, par une simple présence par exemple. C’est un agir sans intention. Dans ce sens c’est un non agir.
5
Pour le ciel et la terre
La multitude des êtres n’est qu’expression éphémère.
Pour le ciel et la terre
La multitude des formes n’est qu’expression éphémère.
La rencontre du ciel et de la terre est vide
C’est pourtant de cette rencontre que naissent toutes les formes.
Commentaire 5
A) La substance des choses ne peut avoir d’expression sans s’incarner dans une forme. Cette forme par contre, du point de vue de la substance, n’a aucune importance. Cette forme ou une autre, cela ne change pas sa nature.
B) Pour un créateur ce qui est important c’est à la fois le processus de création et la forme produite. Une forme particulière n’a d’importance qu’en tant que moment des transformations.
C) Un processus n’existe que lorsqu’il est en action et tous les discours que l’on tient à son propos ne sont pas le processus. Un processus n’est pas le langage à propos du processus. Le langage à propos d’un processus participe à un autre processus que le processus dont on parle. Parfois d’utiliser le langage a pour effet de figer le processus don't on parle. Il immobilise ce qui était dynamique. Lorsque je n’utilise que le langage pour aimer alors je délaisse la vie pour aimer les traces du passage de la vie.
D) Dans les affaires humaines, un mot n'a d'intérêt que lorsqu'il nous rappelle un ensemble d'interactions... ou qu'il permet un ensemble d'interactions.
6
L’esprit du temps ne meurt pas
On l’appelle le mouvement.
La clef du mouvement se nomme le changement.
Il est éternel et semble exister.
Si on sait l’utiliser, on n’éprouve aucune fatigue.
Commentaire 6
Nous sommes inexorablement entraînés dans le mouvement du temps. On ne peut échapper aux changements qu’il provoque. Mais le temps lui-même n’existe pas, seul le mouvement existe. Si l’on sait utiliser ce mouvement et non lutter contre lui on peut participer au changement de manière joyeuse et s’en trouver grandi. On ne peut arrêter le changement, ce serait vouloir arrêter le temps, en luttant contre lui, nous ne faisons qu’y participer difficilement et parfois avec amertume.
7
Le mouvement ne change pas de nature
S’il ne change pas
c’est parce qu’il ne se préoccupe pas de durer
Celui qui sait être présent au mouvement
trouvera la manière
Nos entreprises
ne sont que notre partipation au mouvement
Commentaire 7
A) Le changement n’a pas comme objectif de changer. Il n'a pas d'intention. Le changement arrive parce que tout est dynamique. On ne change pas parce qu’il est important de changer. Le changement se produit.
B) Lorsque l’on se déplace, il y a une direction. Notre point d’arrivée ne sera donc pas n’importe quel endroit. Parmi tous les endroits possibles où l’on aurait pu aller, il n’y en a qu’un nombre réduit où il est probable d’aller. C’est un mélange de direction et de circonstances qui déterminera notre point d’arrivée. L'intelligence du mouvement est la meilleure manière d’arriver.
8
Il faut imiter l'eau
Elle sert sans faire de différence
Elle sait s'adapter à toute forme
En cela elle est proche de la voie
La maison et l'emplacement vont ensemble
La conscience et l'autre vont ensemble
Etre soi-même et fraternité vont ensemble
La parole est mon reflet
Le geste est mon reflet
Dans le moment
se posent gestes et paroles
Comme l'eau ils trouvent la forme qui convient
Commentaire 8
L'eau se laisse modeler par la nature du terrain sur lequel elle coule. Pourtant, elle ne perd pas sa nature pour autant. Savoir tenir compte de ce qui nous entoure: personne, lieu, contexte, etc. pour adopter un comportement adapté aux circonstances tout en restant nous-mêmes.
De vouloir que rien ne change
c'est vouloir ne plus être
De vouloir garder la première place
c'est vouloir rendre permanent le temporaire
De vouloir le mieux
c'est s'exposer au pire
De réussir sans partage n’amène que jalousie et convoitise
Une fois le travail fait il faut se retirer.
Commentaire 9
A) Lorsque l'on veut arrêter le changement, il faut faire des efforts soutenus pour n’arriver qu’à le retarder. De plus, ces efforts pour ne pas changer provoquent des changements à la situation que l’on voulait ne pas changer
B) Lorsque l'on a tout sacrifié pour être le premier, on se retrouve seul. C’est pourquoi il est préférable de faire simplement le possible et agir là où notre action est la plus utile. Laissez aux autres le soin de décider s’ils accordent de la valeur à votre action.
10
Pouvez-vous être multiple et demeurer un?
Pouvez-vous retrouver la souplesse originelle?
Pouvez-vous amener votre esprit à voir avec netteté?
Pouvez-vous aimer et inspirer sans imposer votre volonté?
Pouvez-vous laisser émerger le sens de l’agitation du quotidien?
Pouvez-vous abandonner votre point de vue pour en comprendre un autre?
Donner vie et nourrir
Avoir sans posséder
Agir sans attentes
Susciter l'adhésion sans contrôler.
Commentaire 10
Le tout est de savoir trouver le geste qui complète. On ne peut être sans l'"autre". On se situe en complémentarité avec lui. Si on l'accompagne, il nous dépasse cependant. Vouloir se détacher de lui et tenter de lui imposer notre volonté est futile. C'est participer à un mouvement où on donne pour recevoir. Nous ne sommes pas les seuls à posséder un peu d'intelligence. Si notre agir montre de l'intelligence, il sera imité.
11
Nous joignons les rayons d'une roue,
mais c'est le vide du centre qui la fait tourner
De la glaise nous formons un vase,
mais c'est l'espace à l'intérieur qui permettra d'y mettre quelque chose.
Nous construisons une maison,
mais c'est l'espace intérieur qui permet d'y vivre.
Nous travaillons sur les objets,
mais ce sont leurs qualités que nous utilisons.
Commentaire 11
La perception de la réalité est organisée en des emboîtements successifs. La pensée manipule concret et abstrait. Si les rayons d'une roue sont un assemblage, disons concret, l'espace pour y mettre le moyeu est abstrait. Cette abstraction n'est possible que si elle repose sur l'existence d'un substrat concret. Une structure concrète propose une organisation de la matière qui permet d'en faire un usage plus abstrait, d'une autre nature que l'objet concret.
12
Trop de couleur nous rend aveugles,
Trop de musique nous rend sourds,
Trop de saveur nous fait perdre le goût,
Trop de pensées affaiblissent l'esprit,
Trop de désir affaiblit le coeur.
Il faut observer le monde
et se fier à sa vision intérieure.
Il faut laisser aller et venir
et la direction viendra de l'intérieur.
Commentaire 12
Il y a deux manières de rendre quelqu'un incapable d’exercer son jugement : le priver d'information ou le saturer d'information. De saturer les sens nous rend insensibles. Restaurer le calme permet qu'à nouveau on puisse sentir. Il en va de même pour la pensée, l’alternance entre stimulation et calme permet l’émergence d’un ordre. En retour, cet ordre permet de distinguer l’essentiel de l’accessoire (selon cet ordre). Ainsi se met en place une boucle où une compréhension du monde se construit peu à peu.
13
Les compliments et les reproches préoccupent
parce qu'ils entraînent espoirs et craintes.
L'espoir et la crainte sont à propos de soi-même
mais s'il n'y a pas de "Moi" à qui chance ou désastre peuvent-ils arriver?
Celui qui se distingue du monde tentera d’imposer sa volonté.
Celui qui se perçoit comme une partie du monde tentera de faire émerger l’harmonie.
Commentaire 13
Nous sommes le produit du monde à tout point de vue. Ce qui nous est personnel et original est minime. De vouloir se distinguer de l'ensemble parce que l'on se sent unique et tenter de lui imposer notre volonté brise la qualité qui nous unit au monde. Nous ne sommes qu'une petite partie qui se prend pour le tout, il est alors naturel de vouloir "commander" et nous causons alors des souffrances. Notre but devrait plutôt être de refaire et de fortifier les liens qui permettent joie et bonheur dans un univers dont nous ne sommes qu’une toute petite partie.
14
On peut le voir, mais ce n'est pas une forme.
On peut l'entendre, mais ce n'est pas un son.
On peut le tenir, mais ce n'est pas un objet
On le cerne, mais on ne peut le définir.
Il n'y a pas de dessus
Il n'y a pas de dessous
Innommable il n'a pas d'existence
Forme de toutes les formes
Image de toutes les images
Il ne peut être saisi
Si on veut le saisir, il n'y a pas de commencement
Si on le suit, il n'y a pas de fin.
Vous ne pouvez le connaître, mais vous l'incarnez parfaitement.
Commentaire 14
A) Un processus ne peut être isolé dans une forme particulière. C'est un passage d'un état à un autre, une transition. De vouloir tenter de l'arrêter pour le nommer ne fait que nous engager dans un autre processus: celui de la création d’un regard sur lui. On ne peut qu'en parler indirectement sans jamais pouvoir montrer la chose elle-même. Nous ne pouvons que pointer sur une infinité de formes en transition à partir desquelles on imagine le processus.
B) Nous vivons dans l’illusion confortable d’une stabilité personnelle: “Moi”. Nous nous définissons en termes de propriétés stables bien que nous soyons engagés dans un processus de transformation constant. Le “Moi” que je pointe du doigt n’est pas le “Moi” en transformation. Dans ce sens on ne peut être certain de notre “Moi” futur.
C) Lorque nous sommes centrés sur le processus le “Moi” est masqué et lorsque nous sommes centrés sur l’objet, le “Moi”, le processus est masqué.
15
Certains recherchent la plénitude
Mais ils sont incompris.
Parce qu'ils étaient incompris
On ne pouvait que décrire leur apparence.
Ils sont:
Prudents
Alertes
Courtois
Subtils
Souples
Réceptifs
Transparents
Avez-vous la patience d'attendre
que l'essentiel se dégage de l'accessoire?
Pouvez-vous attendre
que l'action s’impose d'elle-même?
On ne recherche pas la satisfaction
Pas de recherche, pas d'attentes
Etre présent et accueillir les événements.
Commentaire 15
La plénitude bien que désirable ne peut s'obtenir en la poursuivant! On ne peut que l'accueillir lorsqu'elle se présente. On peut créer des conditions favorables à son émergence, mais on ne peut la commander. Cet état intérieur s'installe lorsqu'on n'est pas préoccupé par lui.
16
Être présence au monde
La paix s'installe alors
On peut voir le monde se créer et se défaire
L'un nourrissant l'autre.
L'un existe par l'autre
Ils sont nécessaires l'un à l'autre.
Nous sommes parties de ces transformations
Connaître notre nature apporte la paix.
D'accepter de faire partie de ce mouvement
Fait apprécier les différents moments de la vie.
Nous devenons alors:
Impartial,
Puis magnanime,
Puis naturel,
Unis avec la voie
La voie est immortelle
Elle nous dépasse pour inclure le changement lui-même.
Commentaire 16
Dans les cycles de la vie, l'état de notre corps n'est qu'un moment particulier de sa transformation. Bien que ce moment soit important de notre point de vue, d'un point de vue plus général, ce moment est insignifiant. Coupé du reste de la vie, c'est le désespoir. Nous dépendons de l'ensemble des transformations dans le monde pour exister. Notre conscience à cet égard est trompeuse puisqu'elle nous place au centre du monde et qu'elle brise les liens qui nous unissent avec le reste de la vie.
17
La meilleure manière de se gouverner
C’est de croire que notre action est naturelle
Une deuxième manière
C’est de croire que notre action est volontaire et efficace
Une troisième manière
C’est de croire que l’on fait ce qui est attendu.
Si tu ne peux te faire confiance
Tu croiras toujours être en faute
Lorsque l’on est en harmonie avec les événements
Poser le geste qui convient paraît naturel.
Commentaire 17
A) D’agir avec violence sur le cours des événements n'entraine pas toujours les conséquences espérées. Rappelons-nous que notre action fait elle-même partie du cours des événements. L’action que l’on pose ne doit donc pas être en opposition avec le flot des événements dans lequel il baigne.
B) Lorsque les actions s’arriment bien les unes aux autres on a alors l’impression que les événements ¨suivent leur cours naturel¨. Cependant, il n’en est rien, ils suivent un cours déterminé par la contribution active de chacun des gestes posés. De là la nécessité d’être présent à l’autre.
18
Quand l'harmonie entre soi et les autres disparaît
Alors le devoir et la justice apparaissent
Quand l'harmonie entre soi et les autres disparaît
Alors le respect et la dévotion apparaissent
Quand l'harmonie entre soi et les autres disparaît
Alors le savoir et la sagesse apparaissent
Quand l'harmonie entre soi et les autres disparaît
Alors la loyauté et le patriotisme apparaissent
Quand l'harmonie est remplacée par le chaos
Alors apparaît l'hypocrisie
Commentaire 18
Lorsqu'il y a harmonie entre soi et les autres il n'y a pas lieu de se donner des règles pour savoir se conduire entre nous. Lorsqu'il n'y a pas d'harmonie, nos relations deviennent imprévisibles. Pour nous redonner une prévisibilité, nous nous donnons des règles.
De suivre des règles redonne une apparence d'harmonie à nos relations. Cependant, comme cette harmonie n'est pas ressentie, mais imposée, les règles sont toujours à renforcer et à réaffirmer. Moins l'harmonie est ressentie et plus il faut se donner des règles et utiliser la coercition pour les faire respecter. À un certain point, il devient plus coûteux de maintenir ces règles que de laisser nos relations se défaire pour, plus tard, laisser émerger de nouvelles relations.
19
Rejette les croyances et écarte les savoirs
Ils t’empêchent de voir
Rejette la morale et écarte la justice
Ils t’empêchent d’être présent
Rejette le profit
Il brise ce qui t’unit à l’autre
Ou encore:
Sois toi-même, sans artifices
Sois présent à l’autre et vois-le pour ce qu’il est
Entretiens ce qui t’unit à lui.
Commentaire 19
A) On ne peut voir le monde sans filtre. On ne peut voir le monde directement. On voit le monde "réel" toujours indirectement par approximation successive. Chaque filtre constitue une métaphore du monde qui est à la fois vraie et fausse. Chacune des métaphores est arbitraire, mais il est impossible de ne pas en utiliser une.
B) Lorsque l’on se laisse approcher par l’autre la morale et la justice perdent leur sens pour laisser place à un être. Alors tout de lui devient "explicable" et se pose alors la question: quand devient-on "excusable"?
C) Nous sommes tous interdépendants, on ne peut vivre sans les autres. La notion de profit nous fait perdre de vue ce qui nous unit pour nous placer en opposition.
20
Cesser de vouloir répéter
Et ainsi disparaît la peur de l’erreur.
En quoi diffèrent oui et non?
En quoi diffèrent le bien et le mal?
Dois-je me trouver des ressemblances?
Trouver à m’effrayer lorsqu’il s’effraie?
Trouver à me réjouir lorsqu’il se réjouit?
Je préfère demeurer moi-même
Ecouter ma joie
Ecouter ma peine
Ecouter mon désir
Ecouter et juger
Si je parais singulier aux yeux des autres
Je reste cependant serein car à l’écoute du monde
En harmonie avec lui.
Commentaire 20
A) Le danger est de trop vouloir plaire. Vouloir plaire à quelqu’un est normal, mais de vouloir plaire à tous ne l'est pas. Pour celui qui veut plaire à tous une première difficulté apparaît: Comment savoir ce qui plaît à tous s’il n’y a pas de "tous"! À à qui poser la question?
B) Il est préférable d’écouter les échos du monde en soi. Ainsi peut s’établir l’harmonie entre le monde et soi.
21
Garder son esprit disponible
C’est ce qui le fait briller
Disponible
En laissant aller ses pensées
En ne les nourrissant pas
Comment cette non pensée peut-elle briller?
En laissant parler toute chose
Entre l’extérieur et l’intérieur
Créateur de soi et de l’autre
Commentaire 21
A) Nous ne pouvons contrôler l’extérieur, mais celui-ci ne se présente pas à nous au hasard.
B) Malgré tout ce que nous imaginons à propos de la réalité, celle-ci a toujours du nouveau à nous proposer. Mais pour voir ce “nouveau” il faut nous dégager de ce que nous tenons comme "la réalité". En diminuant l’emprise “de ce que nous croyons être” nous pouvons rendre notre esprit disponible. Celui-ci pourra alors appréhender de nouvelles “réalités”.
C) Dans la "réalité" il y a toujours une part d’observation et de construit. Parfois l’esprit dirige notre oeil, parfois l'extérieur s’impose à notre oeil.
21 Bis
L’harmonie vient de suivre la voie (tao)
Sans forme particulière et sans qualité particulière
Mais elle permet toute forme et toute qualité.
La voie est à découvrir
Mais elle est de toute action
Toujours est la voie
Mais jamais elle ne se ressemble
Sensations et souvenirs nous proposent des certitudes
Mais la voie nous propose la découverte
Comment puis-je comprendre?
En l’acceptant.
Commentaire 21 bis
Forme et processus sont indissociablement liés. La forme est un état temporaire, ou encore, le permanent est une forme (ou organisation) qui change plus lentement que d’autres autour, ce qui donne l’illusion de la stabilité, de la permanence. Nos sens nous suggèrent une forme stable parce qu’ils ne peuvent saisir les mouvements lents.
22
Si vous voulez être entier
Il faut connaître les parties
Si vous voulez être honnête
Il faut connaître sa fourberie
Si vous voulez être satisfait
Il faut connaître le manque
Si vous voulez changer
Il faut savoir laisser aller
Si vous voulez recevoir
Il faut savoir donner
________________________________
Savoir être en mouvement avec la multitude
est mieux que le meilleur discours
ll ne s'affiche pas, alors on peut le voir
Il n'a rien à prouver, alors on lui fait confiance
Il n'affirme pas son importance, alors on se reconnaît en lui
Il n'a pas d'objectifs, alors on a envie de partager sa route
Agir tout en n'imposant pas
Être présent tout en reconnaissant l'autre
Ainsi l’harmonie s’installe
Commentaire 22
Le langage nous force à utiliser des concepts qui divisent la réalité en catégories. Ce qui est commode. On peut ainsi croire que tout est clair et explicable. Cependant de découper la réalité nous fait perdre de vue qu'elle est tout en nuance et qu'elle ne se laisse pas limiter par notre langage. Il faut donc périodiquement défaire ce que le langage a fait et se dessiner de nouvelles cartes.
23
Parler avec mesure,
Ni plus ni moins que nécessaire.
Dans un univers en mouvement
Pourquoi s’attendre à ce que les constructions humaines soient permanentes?
Celui qui veut voir du changement verra du changement
Celui qui veut voir de la permanence verra de la permanence
Ils ont tous deux raison et tort.
Le regard ne s’embarrasse pas de savoir s’il a raison ou tort.
Devenir un regard et découvrir la voie
Commentaire 23
A) Il est parfois important de considérer la vie comme stable et il est parfois important de la considérer comme changeante. Tout dépend de la nature de l’action en cours. Celui qui n’arrive pas 1- à la considérer comme changeante lorsque l’action le nécessite ou 2- à la voir comme stable lorsque l’action le nécessite brise l’harmonie.
B) Celui qui veut voir du changement peut se sentir étouffé par ce qu'il perçoit comme une immobilité de la vie. Celui qui veut voir de la stabilité peut sentir peu se sentir perdu par ce qu'il perçoit comme une mouvance de la vie. Il a alors le sentiment que le monde lui échappe et qu'il n'a pas d'emprise sur la vie.
C) L'enfant a un rythme intérieur rapide alors la vie passe lentement pour lui. La personne âgée a un rythme intérieur lent alors la vie passe très vite pour lui.
24
On ne peut se tenir sur la pointe des pieds que pendant un court moment.
On ne peut fournir un effort exceptionnel que pendant un court moment.
Si notre but est de briller
En se faisant valoir
En se glorifiant
En se mettant en valeur
Seul et méprisé nous serons
S’il y a louanges et respect
Ils viennent de la gratuité et de l’harmonie entre soi et l’action.
Commentaire 24
On aimerait être le centre du monde, être admiré, être adulé… bref être quelqu’un d’important. Parfois on pense enfin "être" important. Cependant quand cette reconnaissance est demandée, alors on nous la retire. Si on fait ce qui est nécessaire sans rechercher reconnaissance, alors on nous l’offre. Il faut faire au mieux de ce que nous sommes, simplement parce que nous en sommes capables. L’harmonie ne vient pas en forçant les choses, elle émerge lorsqu’on est à l’écoute. L’harmonie avec l’autre ne vient pas en tentant de se contraindre mutuellement, elle émerge de l’écoute mutuelle.
25
À l’origine de tout il n'y avait que matière et mouvement
Que matières en mouvement
Créant et suivant son propre rythme
C’est l’origine de toute forme
On l’appelle la voie
C’est elle qui fait la grandeur de l’univers
C’est elle qui fait la grandeur de la terre
C’est elle qui fait la grandeur de l’homme
Qui fait la grandeur de la voie? L’homme, la terre et l’univers.
Commentaire 25
A) La matière et le mouvement sont indissociables. La matière en mouvement se combine et se recombine constamment en de multiples associations temporaires. De ce constant mélange, certaines combinaisons seront plus stables que d’autres.
B) Certaines de ces combinaisons produiront des agrégats suffisamment grands pour former soleils et planètes. Sur certaines, les conditions seront réunies pour abriter la vie. Mais, dans tous les cas, l’état des choses, associé au changement détermineront les différents possibles.
26
De la sérénité, on peut voir les choses légèrement
Du calme, on peut contrôler l’agitation
Où te places-tu pour regarder?
De toi ou de l’autre?
De toi, tu verras l’autre
De l’autre, tu ne te verras pas
Vouloir être de tout
Ne laisse rien de soi
Comment rencontrer l’autre s’il ne reste plus rien de soi?
Commentaire 26
A) Nous sommes constamment sollicités pour participer à toutes sortes d’activités. Ces activités sont toutes censées nous apporter, nous enrichir. En fait c’est souvent nous qui les nourrissons et non l’inverse.
B) Nous participons à la construction du monde. De décider de le faire volontairement est sain, car ainsi, on devient quelqu'un qui assume une part de responsabilité et non quelqu'un qui subit sans aucune responsabilité. Souvent on ne peut imposer sa volonté, mais même sans imposer sa volonté nous participons à la construction du monde.
27
Voyager sans carte et sans destination
Laisser l'intuition créer de nouveaux trajets
Relâcher la raison pour comprendre la logique du monde
Être disponible à tous
Être présent à toute situation
Contribuer à l'harmonie
Enseigner
Puis remercier celui qui a écouté
Commentaire 27
A) Se rendre disponible à ce qui nous entoure. Cesser de vouloir imposer à la vie notre point de vue. La laisser nous rencontrer et que de cette rencontre jaillisse la beauté.
B) La vie s’est organisée sans nous, avant nous, selon ses règles. C’est à nous de nous rendre disponibles pour pouvoir danser avec elle.
C) Pour transmettre une connaissance, il faut que quelqu'un accepte d'apprendre. Ainsi l'élève permet d'enseigner, ils sont dans une relation mutuelle. Sans quelqu’un qui écoute, il est inutile de parler.
28
Pouvoir voir l'alternance des choses
Voilà une clef du monde
Saisir l'occasion
tout en ne perdant pas de vue l'habituel
Être authentique
tout en ne niant pas l'autre
Le monde est formé d'éphémères
Comme la poignée de main est formée du mouvement
Il faut connaître les apparences
et se rappeler que ce n'est qu'un moment
Commentaire 28
Il n'y a pas de permanence absolue. Il n'y a que des permanences relatives. Le choix de l'échelle d'observation permet de "trouver" des "permanences". Mon échelle préférée est ma vie, alors toi tu deviens réel, objet de ma (re)connaissance et de mon amour.
29
Quiconque veut dominer l’autre
Le diriger à sa guise
Finira seul
L’autre nous échappe
Manipuler est illusion
Elle ne provoque que malheur
Finir seul
Parfois je dirige,
parfois c’est l’autre
Parfois j’ai de la vision,
parfois c’est l’autre
Parfois je suis fort,
parfois c’est l’autre
Parfois je construis,
parfois c’est l’autre
Je suis changement
Il est changement
De le garder à l’esprit
Permets d'être avec l'autre
Commentaire 29
Vouloir dominer quelqu’un est illusoire. L’autre, pour ses propres raisons, peut sembler accepter le chemin que l'on propose. Nous sommes dans une relation mutuelle et de l’accepter évitera des souffrances à chacun.
30
Vouloir soumettre l'autre par la violence
Ne rapportera qu'amertume et colère
Là où la violence s'est exercée
Il n'y a que désolation
Pour participer au changement
On ne peut que montrer
On ne peut qu'être exemple
On ne peut qu'être
Changer
Si on y trouve plaisir
Si on y trouve joie
Si on y trouve l'autre
Savoir être sans s'imposer
Laisser être sans s'effacer
Commentaire 30
Penser pouvoir changer l'autre est faire preuve de suffisance et d’arrogance. Si l'autre est ce qu'il est, c'est par son histoire, sa génétique et les choix qu'il a faits progressivement dans sa vie. Pourquoi changerait-il? Par ce que quelqu'un lui dit de changer? Ce serait lui accorder bien peu de jugement. On ne peut que suggérer. Progressivement, de choix en choix, une nouvelle histoire s'écrit, il devient différent.
31
Toute agression peut apporter le malheur
Ceux qui veulent le bien les évitent
Il peut arriver que l’on veuille vous dominer
Alors apparaîtra le dialogue de combat
Qui sera dévasté le moins rapidement?
Dans ces conditions, on ne peut se réjouir de la victoire
Car ce serait se réjouir de l'humiliation
Ceux qui se réjouissent de l'humiliation
S’exposent à la solitude
Rejoindre l’autre
Sans l'agresser
Sans le dominer
Commentaire 31
A) La violence physique ou verbale devrait être notre dernier recours dans les situations où il n’y a pas d’alternative pour répondre à une menace. C’est une réponse qui fait appel à une autre rationalité, qui n’a aucun rapport avec qui a raison ou tort: c’est de montrer sa capacité à utiliser la force, c’est de montrer sa capacité à dominer, d’être le plus puissant.
B) Rencontrer l’autre dans sa différence est difficile et aménager un lieu de vie pour que chacun puisse cohabiter en se respectant l'est également.
C) On ne peut éliminer la violence, car elle est intimement reliée à la vie elle-même, mais on peut en atténuer ses manifestations les plus extrêmes.
D) La violence est inscrite dans notre relation avec l'autre. Sa dimension physique n'est que sa manifestation la plus extrême. Il y a toutes les violences faites par les mots, les situations et les contextes lors d'interactions. C'est inévitable, car ce sont les mêmes mécanismes qui permettent de poser des gestes de douceur, d'amour et de passion. On ne peut avoir l'un sans l'autre, on ne peut avoir la passion sans la colère. Il faut apprendre à gérer ces expressions extrêmes et les réserver aux lieux et situations qui les commandent.
32
La voie n'a pas de forme
Aussi personne ne peut la percevoir
Si quelqu'un pouvait la contrôler
Son désir mènerait le monde
La voie se trace par l'usage
Elle n'est jamais définitive
On ne contrôle pas le temporaire
On ne peut qu'en faire usage
Laissez vous guider
Comme l'eau se laisse guider
Pour trouver son chemin vers la mer
Commentaire 32
Dans les affaires humaines, il n'y a pas de solutions définitives. Chaque situation doit être abordée pour elle-même et c'est de l'analyse de sa spécificité que découlera l'action. Si les anciennes solutions peuvent nous aider à trouver les gestes à poser, elles peuvent aussi nous empêcher de voir le nouveau et l'inédit. On ne peut simplement pas reproduire le passé dans le présent.
33
Connaître les autres
Se connaître soi-même
Y a-t-il une différence?
Sinon de reconnaître l'intelligence.
Dominer les autres
Se dominer soi-même
Y a-t-il une différence?
Sinon de reconnaître la volonté.
Riche d'être présent
Pendant que passé et futur
se nourrissent l'une de l'autre
Vivre est suffisant
Commentaire 33
On ne peut faire la différence entre se connaître soi-même et connaître les autres, car il s'agit du même processus. Il n'y a que moi qui applique son intelligence à ce qu'elle peut comprendre. Parfois je qualifie ces observations de "moi", parfois je qualifie ces observations de "l'autre".
34
La voie crée et détruit toutes choses
Pourtant elle ne contrôle pas
Elle préside à toutes choses
Pourtant elle ne contrôle pas
Elle nourrit toutes choses
Pourtant elle ne contrôle pas
Elle est de la substance de toutes choses
Pourtant elle ne contrôle pas
Elle est sans intention
Ce qui semble la rendre sans importance
Elle dure dans le temps
Ce qui semble la rendre importante
La voir est
Simplement
Commentaire 34
L’action de construire et de déconstruire est incessante et indissociable l’une de l’autre et fait partie de la vie elle même. On ne peut prétendre contrôler ce processus. On ne peut que l’utiliser comme un surfeur utilise la vague pour glisser. Ce faisant, comme le surfeur, on peut déterminer une partie de ce qui nous arrive. Il ne s’agit pas de la non-action, mais d’une action en harmonie avec son environnement. Si, dans un environnement donné, tous les devenirs ne sont pas possibles, il en reste une infinité d’autres qui sont possibles. La réalisation d’un de ces possibles dépendra alors de notre action.
35
Si vous parlez de richesse et d’abondance
Vous attirerez la foule
Mais si vous parlez de la voie
Vous n'attirerez que de la sympathie
La voie ne parle pas de richesse ni d’abondance
Elle ne peut être vue ou entendue
Mais elle est la source de la sérénité
Commentaire 35
Il est certes important d’avoir un confort matériel. Mais l’abondance matérielle à elle seule ne suffit pas pour être en paix. Certains diront que c’est même un obstacle, car la peur de perdre s’installe. Ce qui nous manque est une perspective qui permette de distinguer ce qui est important de ce qui n'est pas important. Hors des religions et des idéologies.
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Pour réduire une trop grande influence
D'abord la grandir
Pour réduire une trop grande puissance
D'abord la grandir
À trop grandir, son influence disparaîtra
À trop grandir, sa puissance le dévorera
Au fort, le faible répond
Au faible, le fort répond
On ne peut tenir une même position à jamais
Commentaire 36
A) Une action agit toujours sur plusieurs niveaux d'organisation simultanément et dans des ordres temporels différents. Parle-t-on d'un individu, d'une société ou d'un empire? Chacun a sa logique propre, son mouvement propre.
B) Pour un individu, les mois sont sa mesure. Pour une organisation des dizaines d'années sont sa mesure et pour une société des centaines d’années.
C) Chaque niveau d'organisation impose une logique qui lui est propre. Par exemple, l'empire s'effritera pour donner naissance à de multiples états. De ceux-ci émergeront de nouvelles organisations réunissant ces états. On peut tenter de réduire ces oscillations, mais non espérer les faire disparaître.
D) L’individu doit savoir dans laquelle des logiques il pose un geste: dans celle très courte de sa respiration, dans celle plus longue d’un cycle de vie comme la jeunesse ou encore celle d’une vie impliquant ses enfants et petits-enfants. On ne pose pas les mêmes gestes selon que l’on se situe dans l’une ou dans l’autre de ces logiques (ou organisation des événements). L’harmonie tient à notre capacité d'accommoder les différents niveaux d'organisation en présence simultanément (on est toujours un individu, d'une famille, d'une société, d'une culture dans le monde).
37
Sur la voie on ne décide pas
Pourtant, notre action est décisive
Poser un geste sans décider
L'harmonie règne
On ne décide pas
Pourtant, l'action est décisive
S'insérer dans le mouvent
S'installe l'harmonie
Commentaire 37
A) Réduire la différence entre soi et l'extérieur. Car nous sommes une partie du monde mais différent de lui. Mon action émerge de lui comme de moi, de leur rencontre.
B) Je suis la mémoire de ma relation avec le monde.
C) Tenter de rendre le monde semblable à moi m'éloigne de lui et de sa dynamique. C'est ainsi que je peux devenir sourd au monde.
D) Il faut être comme le nageur qui reste en harmonie avec l’eau mais qui doit agir vigoureusement pour le rester.
38
Celui qui suit la voie ne cherche pas à influencer
Mais il influence
Celui qui ne suit pas la voie cherche à influencer
Mais il n'influence pas
Celui sensible à la voie
ne choisit pas parmi les possibles
Il permet différents possibles
Celui insensible à la voie
choisit parmi les possibles
et se retrouve les mains vides
L'homme généreux agit
Mais il reste toujours quelque chose à terminer
L'homme juste agit
Mais il reste toujours quelque chose à faire
L'homme moral agit
Mais en l’absence de résultats
il utilise la force
Quand on s'écarte de la voie il y a la bonté
Faute de bonté il y a la moralité
Faute de moralité il y a la loi
La loi n'est que l'ombre de la moralité
et la fin de la compassion
C'est pourquoi il est préférable
D’être attentif au changement et moins à ses formes transitoires
D'observer, de poser le regard
Commentaire 38
A) L'authenticité aide à soutenir l'action dans la durée.
B) Il y a toujours différents niveaux de réalité qui cohabite et chacun permet de relativiser l'autre. Les choix faits sont arbitraires, c’est un choix parmi des réalités interdépendantes. Il faut donc choisir tout en se rappelant l’aspect arbitraire de ce choix.
C) Que nos choix soient arbitraires ne veut pas dire qu'ils sont sans importance. Ça veut seulement dire qu'ils reposent sur soi et non sur une vérité extérieure qui en assumerait la responsabilité pour nous.
D) La loi est l'incarnation la plus pauvre des qualités humaines. Ces dernières devraient avoir préséance sur la loi et lui servir de support. Lorsque la loi devient le moteur des comportements, on peut craindre le futur.
39
En harmonie avec la voie
Le ciel change continuellement
La terre elle-même se transforme peu à peu
Les créatures vivent et meurent ensemble
Chacune suivant sa voie
Tracée par le ciel, la terre et les autres créatures
Lorsque le chemin de l’homme
N’est pas en harmonie avec le monde
Le ciel ne supporte plus la vie
La terre ne supporte plus la vie
Alors lui-même périra
Lorsque le chemin de l’homme
Est en harmonie avec le monde
Il est parfois ferme et déterminé
Il est parfois doux et supportant
Comment sait-il quand il doit être l’un ou l’autre?
En écoutant le ciel, la terre et les différentes créatures
Et enfin, en dernier, lui-même.
Commentaire 39
A) On se dépeint comme étant au sommet de la pyramide de la vie. La plus grande réalisation de la nature! En fait nous demeurons totalement dépendants de notre milieu naturel et des autres céatures vivantes. Sans cet environnement protecteur notre existence serait impossible.
B) Si nous avons un avenir c’est avec notre environnement et non sans lui. C’est pourquoi il faut découvrir quelle place cet environnement peut nous faire sans qu’il ne meurt de notre présence. Il faut donc inverser nos priorités: le ciel, la terre, les créatures puis les affaires humaines.
40
Avance et recule sont les mouvements de la voie
Force et faiblesse sont sa manière
La vie naît de ce mouvement
Ce mouvement naît de la présence du ciel et de la terre
Commentaire 40
Parfois il faut décider et parfois il faut laisser faire. Un équilibre se créé alors entre nous et le reste du monde où chacun a sa place mais aussi où chacun se voit défini par l’autre.
41
Certains devant la voie s’empressent de la suivre
D’autres la suivent occasionnellement.
D’autres encore s’en moquent
Pour ces derniers comprendre la voie peut paraître folie
Se développer dans la voie peut ressembler à un échec
Suivre la voie peut ressembler à une errance.
Pour ceux là:
L’harmonie semble chaotique
Le pouvoir semble faible
La beauté semble ternie
La stabilité semble changeante
La clarté semble obscure
La grandeur semble insignifiante
L’amour semble indifférence
La sagesse semble enfantillage
La voie n’est nulle part
Pourtant elle guide chaque chose
Commentaire 41
Si on est habitué à juger sur les apparences, il est difficile de cerner le changement. Le jugement porte souvent sur le point d'arrivée d'une trajectoire. On ne perçoit pas toutes les formes qui ont précédé celle que l’on juge. Le processus de transformation est alors arrêté pour figer un état transitoire dans le temps. Cet état devient alors magique et inaccessible. De plus, cette perception nous empêche alors d’accepter de suivre le fil de nos transformations.
42
La voie est un
Un second regard et elle est deux
Encore un regard et elle est trois
Un battement de paupière engendre la multitude
Résultat de la rencontre entre:
l'intérieur et l'extérieur
Résultat d'un dialogue
L’harmonie nous le fait voir